jean nouvel 144 habitation

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Avec « Architectures », le petit écran nous offre enfin une émission de découverte et de réflexion sur des constructions marquantes du XIXe comme du XXe siècle, habitations privées ou collectives, équipements publics, monuments. Pour le siècle précédent, place aux bâtiments avant-gardistes, qui préfigurent notre modernité. Pour notre siècle, les auteurs se sont limités à des œuvres d'architectes encore vivants, et donc capables de s'expliquer sur leurs options. Car l'émission s'intéresse prioritairement au point de vue de l'architecte, aux contraintes qu'il a affrontées et à leur résolution. Ce qui n'empêche pas, lorsqu'il s'agit comme pour Némausus 1 d'un immeuble d'habitation, de réfléchir de manière critique aux problèmes épineux de l'habitat.
Pressenti par la mairie de Nîmes pour construire cent quatorze logements sociaux en 1986, Jean Nouvel répond à un défi qui remet en cause les principes admis par l'ensemble des architectes : dans un volume simple, un parallélépipède rectangle à l'horizontale, dégager le maximum de volume habitable afin de réaliser des logements spacieux d'au moins cent mètres carrés chacun, selon dix-sept plans différents et sans augmentation de coût par rapport à une HLM normale.
Le documentaire échappe à la volonté didactique des cours d'histoire de l'architecture. « Les comparaisons peuvent se faire plus facilement avec des diapos vues côte à côte qu'avec des plans successifs », explique le réalisateur Stan Neumann. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le commentaire ne mentionne pas les logements sociaux marquants des XIXe et XXe siècles. Le plus ancien d'entre eux, le Familistère de Guise, fait d'ailleurs l'objet d'un autre épisode de la série. Pourtant, la mise en regard de la Cité radieuse de Le Corbusier était tentante, même si ce projet différent intégrait à l'architecture les services et commerces de proximité. Si cet aspect est absent de Némausus 1, les dessertes extérieures n'en sont pas moins considérées comme les rues d'un village : jeux d'enfants, rencontres, circulation en vélo ou en trottinette s'y déploient dans la bonne humeur générale.
On retrouve dans Némausus 1 les duplex que Le Corbusier avait déjà présentés selon une autre organisation, celle des « boîtes d'allumettes encastrées ». Ici, chaque appartement s'ouvre sur les deux façades du « vaisseau » : côté coursive, la cuisine aux larges fenêtres est considérée comme un espace quasi public, puisque visible de l'extérieur, de l'autre côté la salle de séjour, d'une hauteur inaccoutumée, donne sur une terrasse privée, qui sert de jardin ou de débarras. Les réalisateurs n'ont pas eu besoin de lumière artificielle pour filmer l'HLM : comme dans tous ses projets, Jean Nouvel a manifesté un souci aigu de la lumière. En effet, la raison de l'architecte ne s'est pas pliée partout à la raison économique : une cloison vitrée pliable et coulissante, spécialement « prototypée » pour l'occasion, sépare ou prolonge salle et terrasse. Fermée, elle laisse pénétrer à flots la lumière dans la pièce ; ouverte, elle élargit sur la terrasse l'espace de l'appartement.
Et les habitants ? Conformément au principe de la collection « Architectures », ils n'ont pas directement la parole mais on voit comment chacun a aménagé les lieux. Contre la règle énoncée au départ, la plupart ont tapissé ou peint les murs intérieurs en béton gris que l'architecte avait laissés nus - agrémentés seulement de ces coquetteries modernistes que sont les traits et les calculs écrits au crayon du maçon. Les loyers sont-ils réellement à bas prix ? Le montant d'un loyer HLM est calculé au mètre carré, alors forcément au total un appartement plus spacieux est plus cher...
Vers la fin du film, Jean Nouvel pose les bras croisés, sa voix off lit un texte qu'il a écrit. Ce qu'il retient de cette expérience ? Pour lui Némausus 1 clôt les années 1980 : repère architectural de cette décennie, le bâtiment est, et restera, imprégné de son époque et de ses défauts. Il l'assume. Ironie : Némausus 1 n'est pas un point final, il a inspiré de nombreux architectes qui l'ont reproduit en des versions plus ou moins dégradées.


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