Subject: Critiques sur le bouquin "L'alimentation ou la troisième médecine".
Bonjour
La théorie du Dr Seignalet est intéressante. L'abord des maladies
auto-immunes par l'alimentation mérite d'être développée. Les antigènes
alimentaires pourraient engendrer une réaction croisée avec les antigènes du
soi. Mais, car il y a un "mais" et même plusieurs, voilà bien une démarche
bizarre pour mettre en avant des résultats si prometteurs !
1. Pourquoi faire un livre, que les médecins et les scientifiques ne
liront pas ? M. Seignalet le sait bien, les médecins et les scientifiques qui se
tiennent au courant lisent des revues médicales et scientifiques, rarement des
livres.
2. On s'étonne donc de l'absence de publications de M. Seignalet sur
le sujet dans les revues jugées sérieuses par la communauté scientifique et
médicale dont fait partie M. Seignalet.
J'ai fait un medline hier là-dessus :
- Seignalet J. [See Related Articles]
- Diet, fasting, and rheumatoid arthritis. Lancet. 1992 Jan 4; 339(8784):
68-69. No abstract available. PMID: 1346001; UI: 92106915.
</li>
Seignalet J, et al. [See Related Articles]
Letter: HL-A antigens and arthropathies in psoriasis. Lancet. 1974 Jun 29;
1(7870): 1350. No abstract available. PMID: 4134332; UI: 74252996.
</li>
Les 87 autres articles sont dans des revues essentiellement nationales et peu
spécialisées. S'il veut que ses résultats soient connus, il faut les publier
dans des revues internationales avec des comités de "reviewers". De plus, dans
le Lancet, il y a cet article paru en 92, mais pas d'abstract disponible ! cela
correspond ainsi à une lettre ou à une réponse sur un autre article, mais à un
article structuré de la manière communément admise : intro, patients et
méthodes, résultats, conclusion. De plus encore, on n'expose pas un tel travail
et de tels résultats sur 2 pages du Lancet, et une fois dans sa vie.
3. Où est le protocole ? Tout essai thérapeutique, toute étude, suit
un protocole bien défini qui traduit et assure le sérieux et la reproductibilité
du travail. Mais dans le plan du livre, il n'y a pas de chapitre sur le
protocole. Quelles sont les caractéristiques des patients inclus ? Et quels
traitement avaient-ils ? Quels sont les critères d'efficacité ? Comment peut-on
être certain que rien d'autre n'a changé dans la prise en charge des patients
pendant la durée de l'étude ? Il faut comprendre que ce sont ces questions là
que la communauté scientifique et médicale va poser, parceque là sont les
preuves. Le grand public, dans ce domaine là, va croire ce qu'on lui dit,
d'autant qu'on va lui donner des éléments qu'il tiendra pour preuve, et le grand
public va croire. Le grand public est très crédule dans ce domaine. Et cela
constitue une première réponse à ma question : pourquoi ne pas s'adresser à la
communauté scientifique pour de tels travaux ? Parceque les scientifiques ne
reconnaitront pas ces travaux.
4. Le problème du double aveugle est bien réel. Contre placebo ou pas,
il est nécessaire d'avoir un double aveugle. Un placebo va guérir 40% des
ulcères de l'estomac, alors qu'une molécule de référence genre inhibiteur de la
pompe à proton va en guérir 98%. Cela ne veut pas dire que la surface de
l'ulcère est réduite de 40% par le placebo, ça veut que chez 4 patients sur 10,
100% de l'ulcère a été guéri. Ainsi un effet placebo peut amener une guérison
complète. La mise en place d'un placebo est envisageable voire possible dans le
cas de l'adaptation du régime alimentaire.
5. On peut encore pousser la critique plus loin. Qu'est-ce qui nous
prouve que les patients pris en charge par ce régime sont représentatifs de
l'ensemble des patients souffrant d'une même maladie ? Comment ces patients
ont-ils été amené à consulter le Dr Seignalet ? Et là, on vous oppose un biais
de recrutement. Prenez 100 patients adeptes de médecine douce ou parallèle, 60
vont guérir simplement parce qu'ils y croient. On ne peut nier l'influence du
mental sur le corps. Vous êtes poursuivi par un ours, et vous vous écorchez bien
la jambe contre une ronce, vous n'allez pas le sentir, occupé que vous êtes à
fuir. Le mental contrôle, influe. Ainsi, on peut sélectionner volontairement ou
pas des patients qui répondraient bien à n'importe quelle nouvelle attitude un
tant soi peu différente de la médecine classique, et toc, vous allez trouver le
bénéfice.
6. Alors le Dr Seignalet, charlatan ? médecin original ? véritable
scientifique ? médecin parallèle ? Nul ne peut nier son parcours scientifique,
cette théorie révolutionnaire mise à part. Mais à l'heure actuelle, il est
simple de prouver que l'on a raison si on a vraiment raison, car nous disposons
d'outils scientifiques éprouvés, endurés qui affirment en toute objectivité la
véracité d'une hypothèse. C'est là une des faiblesses de votre argumentation, et
ça, vous n'y pourrez jamais rien. Ce n'est pas à vous de dire "c'est une preuve
que je montre là", c'est aux décideurs à le dire.
7. Je finirai par cette célèbre phrase qui résume bien toute la
difficulté d'une véritable étude médicale ou scientifique : "Lorsque j'ordonne à
ma puce de sauter, elle saute. Si je lui retire une patte, elle saute moins bien
et pas toujours, si je lui retire les six pattes, elle ne saute plus. Preuve que
si l'on retire les 6 pattes d'une puce, celle-ci devient sourde !".
Jean-Marie Quiquempois Interne de spécialité en médecine Montpellier, le 21 Octobre 1998
Réponse du Docteur Jean SEIGNALET au texte du Docteur Jean-Marie
QUIQUEMPOIS, critiquant l'ouvrage: "L'alimentation ou la troisième médecine".
Les réflexions généralement critiques du Docteur Quiquempois,
m'inspirent les commentaires suivants:
1°- La théorie que je défends est beaucoup plus compliquée
qu'une simple réaction croisée entre les antigènes alimentaires et les antigènes
du soi. J'engage donc mon correspondant à ne pas se contenter de connaître le
plan de mon ouvrage, mais à le lire en entier.
Je rappelle que je distingue trois catégories de maladies
essentiellement provoquées par des molécules bactériennes et/ou alimentaires
ayant franchi un intestin grêle trop perméable:
a) Les maladies auto-immunes, induites par des peptides
présentés aux lymphocytes T par des molécules HLA.
b) Les maladies d'encrassage, induites par des molécules
non peptidiques (glucides, lipides, lipopolysaccharides, molécules de Maillard,
etc...) qui vont encombrer le milieu extracellulaire et le milieu
intracellulaire.
c) Les maladies d'élimination, liées à l'inflammation des
émonctoires, traversés par des globules blancs transportant, du sang jusqu'à
l'extérieur de l'organisme, des molécules nocives.
90 % des maladies entrent dans l'une ou l'autre de ces trois
catégories. 2°- Je n'ai pas les mêmes statistiques que mon
correspondant au sujet de mes publications.
Ce n'est pas
89 articles que j'ai écrits, mais
235.
Les textes retenus par des revues avec comité de lecture ne sont
pas au nombre de
2 mais de
78, ce qui fait une certaine
différence.Ces articles ou ces livres ont été publiés dans de bons journaux
français pour 56 d'entre eux et dans des journaux anglo-saxons pour les 22
autres.
Toutes ces revues avaient des comités de lecture, parfois très
pointilleux.
Je détaille la liste de ces revues avec entre parenthèses le
nombre d'articles parus dans chacune d'elle:
- Presse Med. (15)
- Tissue Antigens (8)
- Sem. Hôp. Paris (7)
- Rev. Rhum. (6)
- Néphrologie (6)
- Nouv. Rev. Fr. Hemat. (5)
- Lancet (3)
- Transplantation (3)
- Rev. Franç. Transf. (3)
- J. Genet. Hum. (3)
- Transplant. Proc. (2)
- Pan. Biol. (2)
- Rev. Europ. Etud. Clin. Biol. (2)
- Vox Sang. (1)
- Human Hered. (1)
- Dermatologica (1)
- N. Engl. J. Med. (1)
- Arch. Franç. Pediatr. (1)
- Clin. Allergy (1)
- Encycl. Med. Chir. (1)
- Artbritis Rhenm. (1)
- Rev. Med. Interne (1)
- Immunogenetics (1)
- Sleep (1)
- Ann. Dermatol. Vénal. (1)
- J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod. (1)
3°- Contrairement aux assertions de mon détracteur, mes malades ont
été traités selon des protocoles bien définis. Il peut se reporter au chapitre de mon livre sur la polyarthrite
rhumatoide. Il y trouvera tous les renseignements souhaités: nombre de
malades, avec leur âge, leur sexe, l'ancienneté de la maladie, les critères du
diagnostic, les paramètres cliniques et biologiques vérifiés avant et après
régime alimentaire.
Je n'ai pas répété les détails de ce protocole qui n'intéresse que
les médecins à tous les chapitres, car mon livre est avant tout destiné au grand
public. Mais pour chaque maladie un protocole précis à été suivi.
4°- Il est exact que je n'ai pas pratiqué d'enquêtes en
double aveugle, c'est à dire la comparaison des effets de mon régime alimentaire
et de ceux d'un régime placebo. Ce type d'enquête n'était pas difficile à mettre
en oeuvre, puisqu'il suffisait de conseiller à certains malades un régime
contenant des aliments dangereux (laits animaux, céréales, produits cuits) et
excluant des aliments sans danger (bananes, oranges par exemple). Mais je n'ai
pas souhaité utiliser ce procédé pour plusieurs raisons:
a) Les malades qui viennent me consulter ne sont pas hospitalisés,
mais arrivent parfois de fort loin et ont parcouru des centaines de kilomètres
pour essayer ma méthode. Je ne me reconnais pas le droit de leur prescrire un
faux régime, sous prétexte de prouver l'efficacité de ma technique, qui n'a pas
besoin de cette confirmation.
b) La comparaison entre un traitement et un placebo est
certainement utile, lorsque le traitement n'a que des effets inconstants et
partiels. Cette comparaison devient sans intérêt pour un régime alimentaire qui
obtient un pourcentage élevé d'améliorations spectaculaires ou de rémissions
complètes dans des maladies considérées comme incurables.
c) Un placebo peut entrainer quelquefois des améliorations
modérées et transitoires, essentiellement dans les maladies psychosomatiques,
dont on a grandement exagéré l'importance (voir à ce sujet le dernier chapitre
de mon livre). Par contre, je n'ai jamais vu un placebo obtenir une amélioration
importante et durable dans une polyarthrite rhumatoide, une spondylarthrite
ankylosante, un asthme, une maladie de Crohn ou un diabète de la maturité. Par
contre, un régime de type ancestral obtient des succès francs et définitifs dans
80 % des polyarthrites rhumatoides, 95 % des spondylarthrites ankylosantes, 90 %
des asthmes, 90 % des maladies de Crohn et 100 % des diabètes de la maturité, à
condition d'intervenir assez tôt. Il n'y a donc pas photographie pour distinguer
entre l'efficacité de la diététique et celle éventuelle d'un
placebo.
5°- Il est exact que l'idéal serait de publier mes travaux
dans les revues et les journaux médicaux classiques. Le problème est que ces
revues et ces journaux rejettent systématiquement mes articles sur la
diététique.
I1 est intéressant de constater qu'en tant qu'immunologue,
spécialiste du systéme HLA, j'ai publié sans difficultés de nombreux articles
dans d'excellentes revues. Je ne crois pas être devenu subitement incompétent,
en passant de l'immunologie à la diététique.
L'explication est à mon sens assez simple. Il existe en médecine
une pensée unique, comme il en existe dans d'autres domaines, tels que la
politique ou l'agriculture. Mes travaux d'immunologie plaisaient aux lecteurs
(note AP : "comités de lecture") de revues, car ils étaient dans le sens de
cette pensée unique. Mes recherches sur les régimes alimentaires sont par contre
critiquées, car elles sortent du cadre de la pensée unique, qui veut que
certaines maladies aient un mécanisme incompréhensible et soient traitées par
des médicaments, même si ceux-ci ne parviennent pas à les guérir.
Proposer un mécanisme logique pour de nombreuses maladies et un
traitement par un simple régime alimentaire, qui est très souvent suivi de
succès, constitue un message qui n'est pas admissible pour les tenants du
"classicisme". La communauté scientifique dont parle mon correspondant n'est
pas, à mon avis, du tout scientifique. Une affirmation d'incrédulité peut se
comprendre en religion, mais non en médecine. La seule attitude scientifique est
l'expérimentation. Mais les gens qui me critiquent se gardent bien de réaliser
cette expérimentation. Je tiens à leur disposition tous les renseignements pour
réaliser des enquêtes en milieu hospitalier, en double aveugle si cela leur fait
plaisir.
Puisque l'information n'est pas passée par les revues médicales,
il m'a paru logique d'écrire un livre. Il convient en effet que les nombreux
malades sachent qu'il existe une méthode souvent capable de les tirer d'affaire.
Quoi qu'en pense mon critique, ce livre a été lu par d'assez nombreux médecins,
surtout les homéopathes et les acupuncteurs, mais aussi par pas mal
d'allopathes. Une dizaine de médecins allopathes ont d'ailleurs bénéficié de ma
méthode pour diverses affections dont ils étaient atteints.
Si les médecins hospitaliers ont, dans leur grande majorité,
négligé mes travaux, un nombre assez élevé de médecins privés utilisent le
régime alimentaire de type ancestral comme thérapeutique et ont obtenu les mêmes
succès que moi.
Mes dossiers et les témoignages de satisfaction de nombreux
patients sont à la disposition de tous ceux qui voudraient réellement
s'intéresser à ce qui devrait être l'idéal de tout médecin: comprendre le
mécanisme des maladies et guérir les malades.
Docteur Jean SEIGNALET Laboratoire d'Immunologie, Hôpital St Eloi, Montpellier