. La vraie nature de la fleur
(1) La fleur est
essentiellement un organe qui forme des sporanges et, par là, des spores,
c'est-à-dire des cellules reproductrices agames. Il est donc abusif de
considérer la fleur comme étant un organe de reproduction sexuée ou même de
définir des fleurs comme mâles ou femelles. La mise à fleur n'est certainement
pas un acte de sexualisation.
Parmi les « pièces florales », les unes sont
des sporophylles : telles sont les étamines (microsporophylles) et le carpelle
(mégasporophylle). Les autres forment le périanthe, c'est-à-dire un ensemble de
pièces protectrices.
Les sacs polliniques sont donc des microsporanges et le
nucelle, un mégasporange ; autrement dit, l'ovule est un mégasporange tégumenté.
(2) Si la fleur est, au fondement, un organe de
reproduction asexuée, il est évident que la désigner comme un organe sexué peut
se justifier de diverses manières :
- Les gamétophytes qui constituent les
véritables organes sexués sont extrêmement réduits et se développent totalement
ou partiellement au sein des organes de la fleur. Ainsi, la mégaspore – dans
laquelle reste entièrement et définitivement enfermé le gamétophyte femelle –
n'est jamais destinée à être libérée et toute la reproduction sexuée se fait
donc au sein du mégasporange et de la fleur elle-même.
- La fleur est
finalement organisée pour conduire à bon terme l'embryon résultant de la
fécondation, qui est le plus sûr critère de la sexualité : c'est donc avec ces
réserves que l'on peut admettre la « sexualisation » de la
fleur.
(3) Ainsi définie dans ses fonctions, la fleur
peut-elle être tenue pour l'homologue d'un strobile de Gymnosperme ou d'une
Sélaginelle ?
Si la fleur se compose de véritables sporophylles enveloppées
de pièces protectrices, la réponse doit être affirmative.
Si, par contre, la
fleur est issue du fonctionnement d'un méristème distinct de celui qui engendre
les primordiums foliaires et gemmaires, alors il n'y a pas de communauté
d'origine entre carpelles ou étamines, d'une part, et feuilles, d'autre part.
Dans ce cas, les premiers ne seraient pas de vraies sporophylles.
Les études
génétiques et moléculaires démontrent que feuilles et organes floraux sont
homologues. La fleur peut donc être considérée comme étant l'homologue du
strobile des Gymnospermes ou de la Sélaginelle.
2. La réduction du
gamétophyte
(4) L'édification du gamétophyte femelle
implique 3 vagues de mitoses « somatiques » successives (cas habituel du sac
embryonnaire monosporique de type Polygonum). Un tel sac embryonnaire
réduit à 8 noyaux est souvent interprété comme étant homologue des deux seuls
archégones à 4 noyaux que l'on a notamment rencontré chez les Gymnospermes. Un
seul de ces « archégones », du côté micropylaire, fournirait l'unique gamète
femelle (l'oosphère) accompagné des deux cellules de col (les synergides).
L'archégone opposé serait devenu stérile.
Mais cette extrême réduction peut,
en quelques cas, aller plus loin encore. Le noyau mégasporal réduit peut ne
subir que deux mitoses (type Oenothera) ne livrant donc qu'un seul
archégone à 4 noyaux. Ou bien encore, et c'est la réduction maximum possible
dans l'alternance de phases, les 4 noyaux de la tétrade mégasporale restés
libres persistent, ne subissent qu'une seule mitose et s'organisent en un sac
embryonnaire à 8 noyaux (type Adoxa). L'haplophase est ici réduite à
une seule division "somatique" ! L'archéspore devient directement le sac
embryonnaire et le stade de tétrade lui-même est court-circuité (sac
embryonnaire tétrasporique) !
(5) Chez le gamétophyte
mâle, le prothalle n'est plus représenté que par une seule cellule, de même que
l'anthéridie. Celle-ci ne subit plus qu'une seule division pour donner les deux
gamètes. Au total, l'haplophase ne comporte donc ici que deux mitoses
somatiques.
3. La nature de la graine
L'albumen
(6) La double fécondation constitue un fait
marquant de la reproduction sexuée chez les Angiospermes. Il en résulte la
formation, au sein de la jeune graine, de deux zygotes qui donneront, l'un,
l'embryon diploïde de la plante en devenir et l'autre l'albumen triploïde dont
le cloisonnement ne fournira qu'un massif nourricier et temporaire. Sous ce
rapport, l'albumen et l'endosperme des Gymnospermes sont analogues. L'analogie
s'arrête cependant là car le second correspond, en fait, à la partie végétative
du gamétophyte femelle.
La graine
(7)
La structure caryologique de la graine est, chez les Angiospermes,
différente de ce qu'elle est chez les Gymnospermes. En effet, ce qui restait du
gamétophyte a été rapidement résorbé par la croissance de l'embryon et de
l'albumen. Dans une graine mûre d'Angiosperme, il n'y a donc plus de trace du
gamétophyte femelle. Une génération est en quelque sorte « sautée » dans
l'alternance de phases : c'est la génération sporophytique grand-maternelle qui
« élève » le jeune sporophyte devenu orphelin peu après sa
naissance.
(8) Mais ce qui est commun au fondement entre
la graine des Gymnospermes et des Angiospermes va permettre de préciser la vraie
nature de cet organe au niveau des Spermatophytes. Chez les Sélaginelles, la
mégaspore est encore une cellule libre, à paroi d'ailleurs très épaisse, tôt ou
tard vouée à la dissémination avec le gamétophyte qu'elle renferme. Rien de tel
dans la vraie graine. Le sac embryonnaire fait partie du nucelle : il n'est
qu'un élément d'un tissu et a perdu toute possibilité de dispersion. Il est
inexorablement destiné à se développer dans l'ovule et, par là, dans l'ovaire
qui l'abrite le cas échéant. Et c'est ce trait qui conduit la graine à sa
véritable destinée et qui manifeste un tournant décisif de l'évolution végétale
propre aux authentiques Spermatophytes. Alors que chez les Gymnospermes, on
retrouve encore, çà et là, une trace de cette vocation originelle
(dissémination) par l'acquisition d'un certain épaississement de la paroi
mégasporale, ce caractère a complètement disparu chez les
Angiospermes.
4. Le fruit
(9) Toutes
les dispositions envisagées ci-dessus aboutissent finalement à une très grande
sécurité de la reproduction ; l'embryon est de mieux en mieux protégé et la
fermeture des carpelles, aboutissant au fruit, ajoute encore à cette protection
et la complète.
Mais la conséquence en est que le grain de pollen ne peut
plus atteindre directement le nucelle, comme c'était le cas chez les
Gymnospermes. L'efficacité de la reproduction est cependant assurée car les
gamètes mâles sont dorénavant véhiculés jusqu'à l'ovule par le canal du tube que
produit le grain de pollen après avoir germé sur le stigmate. La protection des
gamètes mâles est, elle aussi, assurée avec grande sécurité.